Mise au point préalable : les Afars sont une ethnie, les Issas une tribu ; je dis cela non pas dans la volonté de rabaisser nos homologues issa, mais c’est un fait. Ensuite, lorsque nous évoquons ici la nécessité d’un rééquilibrage ethnique en faveur de la communauté afar, ce rééquilibrage s’entend entre l’ethnie afar et l’ethnie somali.
Ensuite, permettez-moi d’apporter des informations essentielles, importantes, par rapport à l’article controversé écrit par un des membres de l’USN/MRD, contestant à la communauté afar le droit d’exprimer ses critiques par rapport à la dictature en place. C’est en tant que démocrate pacifique que j’expose mon point de vue, persuadé que les Djiboutiens et Djiboutiennes sont en mesure de résoudre leurs différends par la négociation et non en cherchant des situations de rapport de force qui annihilerait toute possibilité d’une cohabitation pacifique.
REFUS D’ADMETTRE L’INÉGALITÉ EXISTANT ENTRE AFARS ET SOMALIS
La première idée, déjà mentionnée dans l’article de Mahamoud Djama, a un relent négationniste. Elle consiste à nier l’énorme fossé d’inégalité creusé par le régime entre les deux principales communautés pour laisser croire que s’il y a injustice, elle ne serait que l’œuvre d’une « confrérie alimentaire » composée de toutes les ethnies, affectant de façon plus ou moins identique toutes les composantes nationales. Cette thèse a un double objectif : elle tend à disculper un régime dirigé par une poignée d’extrémistes qui a outrageusement privilégié l’intérêt tribal et à embrouiller l’homme de la rue (Arbach al badoui), en semant volontairement la confusion entre l’inégalité sociale et l’inégalité ethnique.
Certes, il existe une inégalité indéniable au sein de la communauté Issa, mais il s’agit là d’une exclusion à caractère sociale et non pas tribale contrairement à celle qui affecte les Afars bannis en tant qu’entité ethnique depuis 1977.
Cette politique de marginalisation, loin d’être une allégation mensongère, s’appuie sur des preuves concrètes vérifiables aussi bien dans les services publics que privés. C’est pourquoi, il nous faut reconnaître que l’État djiboutien n’existe pas encore, que les conflits à gérer sur le théâtre politique national, se posent en termes ethniques bien plus qu’ils n’opposent des partis politiques « à l’occidentale ». Cette reconnaissance ne doit pas être verbale. Elle doit impliquer une justice pratique qui instaure un équilibre ethnique dans la distribution du pouvoir, de l’avoir et du savoir. Cet équilibre devrait même appliquer le principe de la discrimination positive et réparatrice au bénéfice de la communauté marginalisée. L’intérêt national commande ni le négationnisme ni la fuite en avant mais l’option de l’équilibre. La mobilisation que suppose une telle option n’est pas sectaire : elle s’appuie au contraire sur la volonté de tenir tête au nombrilisme tribal.
LE PRINCIPE d’ « UN HOMME, d’UNE VOIE » EST INOPÉRANT A DJIBOUTI
La deuxième idée porte sur le célèbre principe de la démocratie occidentale : « un homme, une voix ».
S’il est vrai que ce principe constitue le socle de la démocratie en Occident, il est transformé en une source de conflit dans un État multiethnique comme la République de Djibouti où la dictature s’en sert pour légaliser l’injustice ethnique (anti-afar), après avoir préalablement renforcé le poids démographique de la tribu régnante par le biais d’une vague massive de naturalisation des Issas étrangers. Dans une pareille circonstance, une élection dans les conditions actuelles porterait un coup de grâce à la communauté marginalisée. Dès lors, c’est en pleine connaissance de cause que Waberi Warsama réclame l’application inconditionnelle d’un principe inopérant, inacceptable pour un Afar.
Pour ce qui nous concerne, si nous ne prétendons pas nous soustraire à un principe fondamental de la démocratie, nous estimons indispensable qu’un certain nombre des conditions électorales soient remplies en amont en vue d’une application équitable des règles démocratiques, à commencer par la résolution du déséquilibre démographique. Nous savons de quelle manière, il faudrait apporter une solution à cette épineuse question, car des droits imposés par la force, au sein d’une société fondée l’exclusion, ne peuvent en aucun cas être acceptés.
De même que, compte tenu de la spécificité de la République de Djibouti où l’une des communautés (afar) possède 87 % du territoire national et un poids démographique de 50%, si l’on ne compte que les vrais citoyens originaires de notre pays, un tel principe ne peut à lui seul assurer l’équilibre ethnique sans être associé au critère de territorialité.
Si ces solutions ne sont pas envisageables, alors notre pays est condamné à être gouverné par les plus forts. Or le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître.
Gifta Mohamed Issé
UGUTA-TOOSA
0 <<< VOS COMMENTAIRES:
VOS COMMENTAIRES