Il est désormais certain que la dite « crise syrienne », qui dès le départ nous est apparue comme étant une guerre mondiale contre la Syrie [1], est devenue un problème universel autour duquel le monde s’est divisé en deux camps : le camp occidental qui a planifié, commandité, et dirigé l’agression par des mercenaires arabes ou régionaux, du moins jusqu’ici [2] ; et le camp adverse qui s’est coalisé par la force de ses propres objectifs stratégiques.
Ce dernier a formé un groupe international qui considère que la réussite des projets de l’Occident en Syrie signifierait la chute de toute la région sous l’emprise d’un néo-colonialisme qui anéantirait toute velléité de liberté et d’indépendance. Le conflit est donc clair entre un agresseur aux ordres des USA et un défenseur qui s’organise par une distribution coordonnée des rôles à chacun des membres de son organisation stratégique, en fonction de leur capacité et de leur efficacité à repousser l’agression.
I. Plus le temps passe et plus les constantes de cette confrontation deviennent évidentes. Au terme d’un peu plus de quinze mois, elles peuvent être résumées comme suit :
1. Les capacités de défense des défenseurs sont supérieures aux capacités d’attaque des agresseurs. En effet, compte tenu du potentiel de chacun des deux camps, le succès du camp agresseur pour atteindre ses objectifs en Syrie et redessiner la région de telle sorte qu’elle puisse se conformer aux intérêts des États- Unis et du sionisme, est devenu impossible. Par conséquent, entendre le camp des agresseurs répéter à l’envi : « Le président syrien doit s’en aller », « Il faut qu’il cède le pouvoir à un gouvernement civil de transition », « Il faut une transition pacifique du pouvoir », ne témoigne que du ridicule et de l’ironie de la situation ; parce qu’il se comporte en vainqueur alors qu’il est vaincu et que, jusqu’à présent, son agression ne lui a rapporté que ses propres crimes qui ont coûté la vie à des Syriens innocents. À moins qu’il ne considère la criminalité comme une victoire ?
2. La désintégration et l’affaissement du système des agresseurs alors que la cohésion du système des défenseurs parait de plus en plus solide, chacun de ses membres estimant que la question syrienne le concerne directement ; ce qui explique leurs prises de position de plus en plus fermes contre toute atteinte ou intervention étrangère en Syrie et sous n’importe quel prétexte qui nécessiterait l’usage de la force, notamment par adoption d’une résolution en vertu du Chapitre VII. Les États-Unis sont, peut-être, sur le point de comprendre cet état des choses, surtout depuis la dernière prise de position russe. Seuls les « ourbans du pétrole » restent sourds devant l’évidence et refusent de comprendre. C’est pourquoi, avec le Secrétaire général (malencontreusement dénommé « Al-Arabi ») de la Ligue pétrolière prétendument concernée par la « Cause arabe », ils persistent à tenter et à exiger que la « question syrienne » soit soumise au fameux Chapitre VII. Mais, en l’occurrence, leurs appels ne seront pas entendus à travers la porte définitivement scellée du Conseil de sécurité.
3. En plus de ce qui précède, il est important de constater que chacun de ces deux camps rassemble et exhibe ses forces dans le but de précipiter l’heure décisive et d’y mettre fin de manière à ce qu’elle lui soit favorable. En effet :
- Le camp des agresseurs, comme nous l’avons précédemment écrit [3] , a organisé des manœuvres militaires de grande envergure en Jordanie sous la dénomination « Eager Lion » (Lion avide), après avoir recruté l’ensemble des forces qui pourraient jouer un rôle lors de sa future intervention militaire en Syrie. Il a très généreusement inondé sa prétendue « opposition syrienne » d’armes de toutes sortes, et de toutes technologies, pour assurer aux terroristes mercenaires qui lui sont inféodés les moyens de commettre leurs méfaits. Il a chargé les observateurs internationaux de recueillir les renseignements utiles et de mener l’enquête qui favoriserait son intervention militaire à venir. Il a décidé d’étrangler les médias syriens pour créer les conditions favorables à son opération militaire, qu’il suggère très proche avec ou sans résolution du Conseil de sécurité. Pour finir, voici que des manœuvres israéliennes se mettent en branle pour, dit-on, passer le message d’une attaque sur les bastions du Hezbollah.
- Le camp des défenseurs, après avoir résisté en absorbant les chocs depuis le début de l’agression et après avoir laissé le temps à la Syrie pour qu’elle puisse réaliser ses réformes, se met lui aussi à rassembler et à exhiber ses forces pour renforcer sa défense et confirmer ses acquis. Ainsi, et suite au succès des élections législatives syriennes, est venue la décision ferme et définitive de combattre le terrorisme sans relâche ; suivi du « test surprise » correspondant au tir de missiles balistiques intercontinentaux russes [4], lequel a semé la confusion dans le camp adverse qui a bien compris le sérieux du nouveau message militaire signifiant que les décisions politiques déclarées par Moscou, à l’intérieur et à l’extérieur du Conseil de sécurité, reposent sur une puissance militaire réelle et prête à intervenir en cas d’agression. Un projet de manœuvres militaires communes à quelques pays membres de cette organisation défensive n’a pas tardé à être envisagé. Quant au plan d’étranglement des médias syriens [5], il a échoué avant même sa mise à exécution par la prise de mesures adaptées aux circonstances et capables de protéger le droit de la Syrie à faire entendre sa vérité.
II. Dans ces conditions, la question qui se pose concerne le devenir de cette crise mondiale révélée par la soi-disant crise syrienne :
le monde est-il à la veille d’une confrontation militaire globale, ou bien, est ce que ces démonstrations de force ne sont là que pour servir d’atouts lors de futures négociations ? Or, en matière de guerres, il est raisonnablement impossible de lancer une attaque avant de s’assurer de deux éléments : le premier correspond à la possibilité de réaliser l’exploit escompté tout en amenant l’adversaire à l’effondrement ou à une sorte de dépression ou d’égarement ; le second correspond à la capacité à transformer une victoire militaire en victoire politique qui puisse permettre d’ancrer, de conserver et d’exploiter la victoire. Dans certains cas, un troisième élément est à prendre en compte et correspond à ce que l’attaquant peut supporter comme pertes potentielles suite à la confrontation. Si nous appliquons ces règles immuables au camp des agresseurs, nous constatons que :
1. Dans le domaine de la guerre conventionnelle, les forces militaires essentielles à ce camp (l’OTAN) sortent de deux décennies décevantes qui ont épuisé leur économie au point qu’elles ne peuvent envisager une nouvelle guerre, alors que le camp adverse a des capacités militaires défensives qu’il leur serait extrêmement difficile de vaincre ; ce qui nous amène à laisser tomber l’éventualité d’une intervention militaire justifiée ou non par une résolution du Conseil de sécurité.
2. Dans le domaine de la guérilla et des opérations terroristes en cours, alimentées et dirigées par le camp des agresseurs qui poussent à l’escalade des violences et à leur généralisation à tout le territoire syrien et notamment aux grandes villes (Damas et Alep), le battage médiatique et les possibilités des agresseurs sont en deçà du seuil nécessaire à la réalisation de leur projet. En revanche, il est désormais très clair que la prochaine étape de la lutte contre ce terrorisme sera différente des précédentes, notamment parce que depuis la formation du nouveau gouvernement issu d’élections parlementaires libres il ne sera plus question d’opposer des lignes rouges infranchissables aux forces militaires syriennes et de les empêcher de faire ce qui doit être fait. Il ne sera plus possible au terrorisme médiatique et aux politiques du camp des agresseurs, qui sont derrière les massacres, de continuer leurs frauduleuses campagnes accusant l’État syrien de leurs propres crimes. Il ne sera plus acceptable que la mission des observateurs internationaux serve à intensifier les opérations criminelles, mission désormais sujette à caution vu ses manquements volontaires ou involontaires à dire la vérité.
3. Quant au reste, il nous suffit de rappeler l’impossibilité pour Israël de mettre en place une organisation défensive qui protégerait son front intérieur. Il brûle d’impatience pour attaquer l’Iran en plus de toutes les menaces qu’il ne cesse d’alimenter contre son programme nucléaire. Ce simple rappel suffit pour comprendre que le camp des agresseurs est incapable de supporter la réaction possible à son agression.
III. Par conséquent, nous pouvons déduire que la guerre militaire contre la Syrie est très peu probable ; que la guerre terroriste ne permettra pas à l’agresseur d’atteindre ses objectifs mais, qu’au contraire, elle lui imposera des pertes qui l’useront même si cela doit prendre un certain temps. À ce stade, nous pouvons revenir à la question posée plus haut : pourquoi un tel rassemblement des forces ?
À notre avis la réponse réside dans le fait que le camp agresseur, qui a constaté son échec, sait que la seule issue qui lui reste passe par une solution négociée et pacifique, mais il sait aussi que celui qui s’installe à la table des négociations ne reçoit qu’une part proportionnelle à ce qu’il a acquis sur le terrain et aux cartes qu’il tient dans sa main ; ce qui explique qu’il tente d’en rassembler un maximum pour que sa défaite devienne tolérable, maintenant que sa victoire en Syrie est entrée dans le domaine de la fiction et que la Russie a lancé ses invitations aux négociations selon un code compréhensible par toute personne qui connait le protocole : un missile qui lève les doutes, dissipe les délires, et ouvre la voie à la paix. Ainsi, le Président Bachar Al-Assad aura offert à son père l’équilibre stratégique pour lequel il a toujours œuvré et dont il a toujours rêvé, en commémoration du dixième anniversaire de sa mort.
Général Amin Hoteit
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