Révéler quelques vérités sur Djibouti, ou plus exactement sur la dictature qui règne sur cette petite République de la Corne d'Afrique et qui fait tant souffrir un brave et attachant peuple. Il s'agit d'apporter notre pierre à la levée indispensable du voile de silence dont le régime du président Ismaël Omar Guelleh s'entoure soigneusement. En clair, nous voulons partager avec les Djiboutiens et le monde quelques révélations, notamment sur le couple dictatorial Ismaël Omar Guelleh et Kadra Mahamoud Haïd, qui rappellent par leurs turpitudes le couple dictatorial tunisien déchu Zine El-Abidine Ben Ali et Leila Trabelsi.
Si ces révélations en suscitent d'autres, si elles inspirent d'autres bonnes volontés et drainent d'autres révélations documentées sur cette hideuse dictature, que ces nouvelles révélations soient d'origine djiboutienne ou non, elles seront les bienvenues.
Introduction
Les révélations que nous allons vous livrer, sont extraites d'un ouvrage à paraître, ouvrage écrit par un observateur privilégié de Djibouti. Ce livre a pour premier objectif d’apporter un éclairage sur l’homme qui dirige Djibouti d’une main de fer depuis 1999, le président Ismaël Omar Guelleh. Il retrace le parcours du chef de l'État depuis les origines familiales jusqu’à la succession du premier président de la République, Hassan Gouled Aptidon. Il montre comment un fils sans relief de cheminot, qui a tôt quitté les bancs de l’école et intégré la police coloniale, collaborant avec le colonisateur contre ses concitoyens indépendantistes, se retrouve au sein du cercle dirigeant du nouvel État et finit par en prendre les rênes. Afin de saisir les ressorts de celui qui préside aux destinées de la petite République de Djibouti, l'auteur s'appuie, entre autres sources, sur des informations de première main qui se chuchotent mais qui n’ont jamais été révélées au grand jour.
Et pour mieux percer à jour IOG (initiales du chef de l'État), l'ouvrage s'intéresse également au profil de l'influente Première Dame, Kadra Mahamoud Haïd. Il tire un portrait de cette femme ambitieuse et non démunie d’intelligence en remontant à son enfance, qui a été marquée par une grande blessure liée à ses origines. Comment les origines controversées d’un père, Mahamoud, ont-elles marqué dans sa chair sa fille, Kadra? Quelle a été l’influence de cet homme socialement et politiquement frustré, sur elle ? Comment le rejet de son père par une société djiboutienne si à cheval sur la clarté généalogique a-t-il pu modeler la personnalité de Kadra, nourrir sa hargne et entretenir son désir de revanche ? Nous découvrirons comment elle parvient à se frayer un chemin vers le pouvoir, avant comme après l’Indépendance. Nous la suivrons dans sa trajectoire depuis son premier mariage avec un ancien Premier ministre, Abdallah Mohamed Kamil, jusqu’au titre de Première Dame.
Ismaël Omar Guelleh ou fils du népotisme (1ère Partie)
Enfance et jeunesse sans relief
Officiellement, Ismaël Omar Guelleh naît le 27 novembre 1947 à Dire-Dawa en Éthiopie. En réalité, ce Somali Issa Mamassan voit le jour quelques années plus tôt, en 1944, à Aïcha, petite localité ferroviaire éthiopienne située plus près de Djibouti que de Dire-Dawa. Son père, agent au Chemin de fer franco-éthiopien (CFE), futur Chemin de fer Djibouti-éthiopien (CDE), est le fils de Guelleh Ahmed Omar dit Guelleh Betel, pasteur nomade venu se sédentariser à Djibouti, alors colonie française connue sous le nom de Côte française des Somalis (CFS). Guelleh Betel fait partie de ces anciens recrutés par l’administration coloniale et rétribués comme akels (sages en arabe) pour le contrôle social des colonisés. Il est même l’un des plus appréciés et mieux payés pour ses services, ce qui vaut une attention particulière à sa progéniture, notamment à Omar, père d’Ismaël, qui peut ainsi suivre quelques années d’études primaires. La mère d'Ismaël, Moumina Rirache, est une femme somalie au foyer du clan Samarone. Elle est la seconde des quatre épouses d’Omar Guelleh.
Ismaël Omar Guelleh passe les premières années de sa vie à Aïcha, avec ses parents et sa fratrie. C’est à Aïcha qu’il va à l’école. Il y va à la madrasa ou école coranique. Son plus proche camarade de classe et de jeux est un certain Yacin Yabeh Galab, Somali Issa Fourlaba et futur chef de la police djiboutienne. A la madrasa, Ismaël Omar est un apprenant moyen. Son camarade et ami Yacin Yabeh ne brille pas non plus.
Le père de Yacin, Yabeh Galab, est boucher et sa mère, Hawa Ahmed, surnommée Hawa la Grande, en raison de sa grande taille, est marchande de produits divers entre Djibouti et Dire-Dawa. Hawa La Grande, une femme de caractère, fait partie de ces mères de famille qui utilisent le train pour faire un petit commerce ambulant de subsistance. A bord du train de voyageurs, elle se rend à Dire-Dawa où elle achète certains articles de consommation courante qu’elle va revendre à Djibouti-ville. Au retour, elle reprend le même moyen de transport avec d’autres articles demandés en Éthiopie. Ces commerçantes sont désignées sous l’appellation de "charchari" en langue somalie.
Plus tard, la famille d’Ismaël Omar Guelleh s’installe à Dire-Dawa. C’est là qu’il est inscrit à l’école laïque. Il va à l’Alliance française de Dire-Dawa, tout comme son ami Yacin Yabeh Galab dont la famille déménage aussi. A l’Alliance, ni Ismaël ni Yacin ne se distinguent par l’excellence de leurs résultats. Ismaël Omar est un élève moyen, qui ne se montre pas particulièrement motivé pour les études. Il lit peu, travaille à minima à la maison. De même, dans les relations entre jeunes, rien ne le distingue. Il ne brille pas sur les terrains de sport, il est d’ailleurs peu porté sur l’exercice physique. Les filles ne se retournent pas sur son passage et sa timidité (plus ou moins masquée) n’arrange pas ses projets de séduction. Il ne manifeste pas de charisme et ne mène pas ses camarades. Il évite les confrontations, s’esquive des compétitions, ravale ses colères. Des jeunes mâles dominants du quartier, il subit incartades et écarts de langage. Il subit ainsi la domination de garçons aussi divers que Saïd Guireh, surnommé le Manchot en raison d’un bras perdu en bas âge, Farah Hassan Guelleh, ou encore Abdillahi Doualeh Waïss, futur enseignant et future figure indépendantiste djiboutienne qui prendra le nom de lutte d’Iftine (Lueur en langue somalie). Ismaël Omar n’ose pas se mesurer non plus à un camarade de jeu tel qu’Ahmed Absieh Warsama, garçon au corps bien bâti et à l’esprit vif qui décrochera un baccalauréat scientifique à Djibouti et fera de brillantes études de médecine en France. Ahmed Absieh sera d’ailleurs, avec docteur Bourhan Mohamed Aref, le premier médecin diplômé djiboutien. En revanche, le petit-fils de Guelleh Betel aime à rire et à jouir de la vie. Il se montre glouton, friand de fêtes mais aussi de fantaisies vestimentaires sans goût. Il rêve de fortune facile, de confort sans effort et de femmes.
Cahin-caha, Ismaël Omar termine ses études primaires à l’Alliance française de Dire-Dawa. En rester là dans les apprentissages académiques ou les poursuivre dans l’enseignement secondaire ? La question se pose au petit-fils de Guelleh Betel. Il n’est pas sûr de vouloir entrer en secondaire. Mais les conseils pressants de ses parents et l’exemple de certains élèves de son âge tels qu’Ahmed Absieh finissent par le décider. Il quitte le domicile familial et l'Éthiopie pour Djibouti-ville où il entre au Cours complémentaire, nom que porte à l’époque le collège d’enseignement secondaire. C’est un établissement confessionnel, Cours Charles de Foucault, qui l’accueille. Il est nourri, logé et blanchi par des proches. Ces proches sont souvent des cousines et autres tantes mariées à des hommes qui savent remplir la marmite. Mais ce changement de pays, de ville et d’école, ne s’accompagne pas chez le fils de cheminot d’un changement d’attitude à l’endroit des études. En classe, il ne se montre pas plus motivé qu’à Dire-Dawa. En revanche, il met à profit la liberté que lui offre cet éloignement de la surveillance parentale pour s’adonner à de nouveaux petits plaisirs. Il commence à fumer. Il se met aussi à consommer du khat, cette amphétamine naturelle qui pousse en Éthiopie et au Yémen et que l’on mastique longuement dans les pays de la région. Pour s’offrir ces nouveaux plaisirs, son argent de poche ne suffit pas. Il sollicite alors amis, connaissances, camarades de classe et toute autre personne dont il repère la bienveillance.
Il finit par abandonner le Cours complémentaire au terme de deux ans. Il n’éprouve aucune envie de poursuivre ses études, préférant à l’austérité des apprentissages le désœuvrement et les petits plaisirs. Le voici hors de l’école, livré à lui-même et à la loi des désirs. Seulement, il ne suffit pas de désirer des choses, encore faut-il en avoir les moyens. Il lui faut de l’argent, il lui en faut bien plus que ce qu’il peut grappiller à gauche et à droite.
Il cherche un travail rémunéré.
Une carrière peu valorisante de policier colonial
Trouver un emploi est une chose, en obtenir un qui soit bien rémunéré en est une autre. Sans diplôme autre que celui de fin d’études primaires, il est bien difficile à Ismaël Omar d’obtenir un emploi à salaire décent, parmi les rares alors accessibles aux autochtones. Il ne peut pas entrer au Cours normal comme élève fonctionnaire et devenir instituteur. Il ne peut pas non plus être recruté comme élève infirmier. Et l’Armée ne l’intéresse guère en raison de son faible penchant pour l’exercice physique. Alors que faire ? Il végète un moment dans le chômage, vivotant aux crochets des autres. Puis, la chance lui sourit un jour de 1964 grâce à un agent et futur commissaire de police qu’il fréquente, Robleh Amir, qui l’informe de l’offre de quelques emplois dans la police coloniale. Un membre de sa famille élargie intervient en sa faveur auprès de l’administration coloniale, faisant valoir les états de service pro-coloniaux de son grand-père Guelleh Betel. Il est alors recruté comme policier et affecté, dans un premier temps, à la brigade des mœurs. La brigade des mœurs ? Sa connaissance de l’amharique, langue majoritaire parmi les travailleuses du sexe de la capitale, dont les clients sont en majorité des soldats coloniaux, semble motiver cette affectation. Il y trouve aussi son compte, lui qui ne connaît toujours pas de succès auprès des filles ordinaires.
Il est ensuite versé dans la police d'État (français), créée après les événements sanglants survenus lors de la visite du général De Gaulle des 25 et 26 août 1966 pour surveiller les frontières aériennes, maritimes et terrestres. Il est affecté à la section de l’Air et se retrouve à l’aéroport de Djibouti-ville. Aux côtés de son ami Yacin Yabeh Galab, lui aussi tôt sorti de l’école et recruté à la police sur intervention d’un proche notable, Ismaël Darar Assoweh dit Ismaël Madobé. C’est à l’aéroport qu’Ismaël Omar fait la connaissance de sa première épouse, Warmog Ahmed Abar, une jolie hôtesse de la compagnie aérienne du Territoire, Air Djibouti. Elle est originaire de la ville ferroviaire d’Ali-Sabieh, au sud du pays. Il tombe follement amoureux d’elle. Elle le fait macérer dans une attente inquiète avant de lui dire oui. De cette union célébrée en 1972, va naître un enfant en 1975 : Liban Ismaël Omar, fils aîné du futur chef de l'État. Mais comme sa conception survient à un moment où le mariage bat déjà de l’aile, cet enfant va venir au monde après divorce.
Il faut dire que depuis leurs épousailles les relations entre une hôtesse de l’air au caractère bien trempé et sûre de sa beauté et le policier colonial porté sur la bouteille et bedonnant ne cessent de se dégrader. Le sentiment de Warmog pour Ismaël se dissipe, si tant est qu’il ait réellement existé. Mais le réciproque n’est pas vrai. Lui l’aime toujours et s’accroche à elle. En vain. La famille du policier, ulcérée par cette situation, fait pression sur lui pour l’amener à divorcer. L’union prend fin en 1974, alors que la jeune femme est enceinte de Liban dont la conception est survenue quelques semaines plus tôt. Soulagée, Warmog donne tranquillement naissance à son enfant en 1975. Quelques mois plus tard, elle le confie à sa mère et part en France où elle reprend ses études. Au grand dam du policier qui ne parvient pas à faire le deuil de son amour, elle rencontre en terre française l’homme de sa vie en la personne d'Ahmed Omar Farah, étudiant en administration et fils d’un instituteur d’Ali-Sabieh devenu politicien. Ahmed et Warmog s’unissent et fondent une famille qui, outre le fils d’Ismaël Omar qui rejoint rapidement sa mère, compte bientôt cinq filles qui sont autant de bonnes élèves. Liban vit et grandit ainsi avec sa mère sans beaucoup voir son père biologique.
En dehors de ses affectations officielles, Ismaël Omar Guelleh effectue des tâches de renseignement au profit de l’administration coloniale. En échange, il perçoit au noir une rétribution d’indicateur qui lui permet d’arrondir ses fins de mois d’homme à dépenses. Il informe à la fois les chefs blancs du renseignement et les alliés politiques djiboutiens du colonialisme. Ainsi devient-il un visiteur assidu du cabinet d'Ali Aref Bourhan, l'homme de Paris et chef autochtone de l’exécutif du Territoire de 1960 à 1976. Il renseigne ce petit monde sur les faits et gestes des mouvements et militants indépendantistes, même s’il ne se limite pas à ces milieux pour noircir ses fiches. Entre absence de convictions et appétit de vie, l’homme descend bien bas. Ces états de services, par lesquels s’est illustré en son temps songrand-père Guelleh Betel, ne sont pas sans effet sur sa réputation. Souvent, l’on se méfie de lui et les conversations se font moins libres et moins engagées en sa présence. D’aucuns racontent que cette réputation peu glorieuse est l’un des facteurs à l’origine de l’échec de son mariage avec Warmog Ahmed Abar.
C’est ce personnage sans profondeur, qui vit intensément au jour le jour, tombant parfois d’ivresse sur la voie publique, qui se pique soudain d’engagement anti-colonialiste lorsque la marche pour l’Indépendance s’accélère à partir de fin 1974. Il est même renvoyé de la police coloniale en cette année-là, ce qu’il revendique comme un haut fait indépendantiste mais que de nombreux témoins de l’époque décrivent comme une simple manœuvre coloniale destinée à le crédibiliser aux yeux d’une opinion publique autochtone largement acquise à l’Indépendance.
En tout cas, ces errements n’empêchent pas Ismaël Omar Guelleh d’être propulsé vers les sommets de l'État post-colonial. A suivre.
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