La République de Djibouti est officiellement reconnue dans le concert des Nations comme un "pays démocratique" ayant ratifié les principaux Traités et conventions internationaux qui énoncent des valeurs universelles tels que les libertés fondamentales et les principes généraux du droit. Parmi ces valeurs, il y’a l’interdiction de torturer, la liberté d’opinion, d’association, de pensée, de culte, la liberté syndicale, le droit de grève, l’interdiction de discriminer à l’embauche en raison de sa tribu, son ethnie, sa race, sa couleur de peau et sa religion.
Du moins, le président de la République, Ismail Omar Guelleh, n’arrête pas de nous le répéter au micro chaque fois que l’occasion se présente à lui (réf. Jeune Afrique, France24). Un conseil supérieur de l’audiovisuel n’existant pas à Djibouti, les discours du président de la République ne sont pas décomptés du temps de parole alloué à la majorité présidentielle (RPP, QAGABA, PSD, PND-cloné). Il faut dire qu’à Djibouti, l’opposition (FRUD, UGUTA-TOOSA, MRS, MRD, PDD, ARD, PND, UDJ, PRIDE) n’est pas représentée à l’Assemblée nationale et n’a pas accès aux médias nationaux.
L’impact du pouvoir des médias sur l’opinion publique est énorme.
L’auteur américain Morrison écrivait : "Celui qui contrôle les médias contrôle les esprits." C’est dans cette logique d’aliénation mentale que le régime gave les esprits des djiboutiens avec une propagande de désinformation infecte servit en filigrane. La presse du pays réduite à une seule chaine de télévision et de radio nationales déverse au quotidien un flot des nouvelles qui fait l’éloge du seul président de la République au mépris de la déontologie journalistique, toujours affublé d’un titre suranné datant du temps de la monarchie française « Son Excellence Monsieur le président de la République ».
La presse nationale est mise au pas.
Elle est au service exclusif du régime dictatorial. Au plus fort de l’affaire Borrel, le président secoué par les médias étrangers, notamment français, avait lâché au détour d’une phrase : « nous avons une seule radio, une seule télévision, ils en ont des milliers, prenons-en soin et tachant d’en faire bon usage » (sic).
Il va de soi que le régime politique djiboutien soit égal en droit des grandes démocraties de ce monde comme la Malaisie, la Turquie, les Etats-Unis, la France, mais pas en dignité. Ce sont là des régimes politiques qui ont fait preuve de respectabilité en matière de démocratie : séparation des pouvoirs, transparence électorale, etc.
Quels sont les indicateurs politiques qui attestent de l’existence et de la pratique d’une véritable démocratie saine et sans équivoque dans un pays ?
Si les valeurs précitées sont intrinsèques à la nature démocratique d’un régime politique au pouvoir pour préjuger de l’existence d’une véritable démocratie, il est une caractéristique fondamentale qui établit une présomption irréfragable des pratiques démocratiques par un régime politique : c’est l’alternance politique qui découle naturellement de la transparence électorale et du respect rigoureux de la séparation des pouvoirs.
Les vertus de l’alternance politique sont nombreuses. La passation du pouvoir politique entre une majorité présidentielle et l’opposition témoigne de la bonne santé politique d’un pays. Paradoxalement, on a connu l’alternance politique à Djibouti que dans la seule période coloniale.
Certes, la démocratie française était à géométrie variable, mais le jeu politique local était largement influencé par les pratiques démocratiques de la Métropole, avec un climat politique favorable à l’alternance politique entre les partis politiques en compétition pour le pouvoir. On a connu des renversements de gouvernement, une vie politique pétillante, très animée, avec des rebondissements, du suspens, le vote des motions de censure contre le gouvernement poussant des ministres et des députés de la majorité à la démission.
Même le puissant président du Conseil de gouvernement d’alors, Monsieur Ali Aref a été poussé à la sortie par une opposition réelle et soudée, représentant l’aspiration immédiate du peuple djiboutien à l’indépendance et défendant ses intérêts sans distinction ethnique ou tribale, et non les seuls intérêts de leurs tribus comme c’est le cas du gouvernement actuel.
Avant, les ministres démissionnaient parce qu’il y’avait une solidarité gouvernementale. Ils avaient une légitimité à exercer la fonction ministérielle, tirée de leur mandat électoral. Ils étaient censés représenter les intérêts de leurs régions et de leurs tribus respectives dans un gouvernement d’union nationale.
Aujourd’hui, ce n’est plus le cas !
Ils ne sont ministres que de nom, sans pouvoir de décision, mais tout au plus des simples attachés commerciaux alimentaires, garbah xiina ou calool u seexdo, littéralement « ceux qui dorment uniquement pour leur panse » (dormir dans le sens de travailler) ; qui essaient tant bien que mal de tenir la barre d’une entreprise en faillite depuis 1977, qui les rémunère indument avec les biens et l’argent du peuple.
Or, depuis l’indépendance, pas une seule fois le régime au pouvoir, le RPP, n’a pas passé le témoin à ses adversaires politiques, et pour cause :
La nouvelle République de Djibouti commence avec le système politique du parti unique comme la plupart des pays africains colonisés par la France. Dès le début, le jeu démocratique était faussé. La raison principale réside dans la mise en place par le Général De Gaulle d’un réseau d’influence politique, économique et militaire « naturellement hostile à la démocratie » selon François-Xavier Verschave, un système criminel ayant vidé l’Afrique de ses matières premières et freiné son développement économique appelé la françafrique.
Dans les coulisses de grandes institutions internationales, à l’instar de l’ONU, et dans les encyclopédies universelles, on définit la République de Djibouti comme une démocratie à part entière. Cependant, quand on scrute de près les pratiques du régime djiboutien en matière du respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, l’exercice réel du pouvoir est tout, sauf démocratique.
Mais, alors pourquoi le gouvernement djiboutien, et en premier lieu le président djiboutien ânonne-t-il dans ses nombreuses interventions ubuesques que son régime est une démocratie dans son sens noble, et c’est alors même qu’il n’y a jamais eu d’alternance politique à Djibouti ?
Le président de la République n’est pas à une contradiction près. Il y’a peu, il bafouillait sur un plateau de télévision qu’il n’y avait pas des prisonniers politiques à Djibouti. Les appels à l’aide lancés par les associations locales (LDDH), et même internationales (Survie, ARDHD) ne sont pour lui qu’une pure compagne de « désinformation » orchestrée par des individus malintentionnés.
Encore plus grave sur le plan politique, il a affirmé récemment dans une magasine très complaisante avec les dictatures africaines qu’il « allait choisir lui-même son successeur » (sic) pour le remplacer à la tête du pays. Cette phrase n’est pas une caricature mais sortie de la bouche même du président Guelleh.
Cette affirmation trahit sa volonté qui est celle de rester au pouvoir ad vitam æternam à travers un dauphin alibi.
En même temps, les choses sont claires dans son esprit : il est parvenu au pouvoir par le même canal de cooptation, il va donc renvoyer l’ascenseur verticalement du haut vers le bas à celui qui aura la charge de veiller sur les intérêts non pas du peuple mais de la famille « royale ».
Le peuple n’aura pas son mot à dire dans cette négociation et cette combine. Ainsi, en agissant de la sorte IOG a dévoilé jusqu’à quel point il fait fi de la misère et de la souffrance morale et physique du peuple djiboutien qui croule littéralement sous un soleil implacable de Djibouti, quand ce n’est pas lui-même qui le martyrise.
Une telle annonce ne nous aurait pas choqué si telle était la volonté de la Reine Elizabeth II du Royaume Uni, mais émanant d’un homme censé être « élu » par le Peuple, d’un président de la « République » sorti vainqueur des urnes, il y’a de quoi remettre en cause sérieusement le dogme républicain et émousser tout syllogisme politique.
La République ne peut pas s’accommoder des petits arrangements claniques, elle est ou elle n’en est pas une.
Entendre dire pareille énormité de la part d’un homme complètement déconnecté de la réalité du pays et qui feint ou ne connait rien au fonctionnement d’une République est irresponsable, indigne, immoral et indécent. Un personnage tragique et comique, en fin de règne ! C’est l’image que donne cet homme aigri par le pouvoir, loin de celle d’un homme soucieux de l’intérêt suprême de la Nation que brossent ses obligés alimentaires.
Les services secrets français ne se sont pas trompés à son sujet : IOG est un homme « affairiste », mêlé dans des dossiers criminels, mais arrivé opportunément au sommet de l’Etat suite à la convalescence de son oncle Hassan Gouled, paix à son âme. En même temps, le peuple djiboutien n’est pas étonné par une telle brimade de celui-là même qui hier avait juré sur le Saint-Coran ne plus vouloir se représenter une troisième fois à l’élection présidentielle comme le lui oblige la Constitution, même si on lui forçait la main. Ce ne sont plus les opposants politiques et les jeunes qui subissent la torture à Djibouti, les juges ne sont plus en reste. Accusé d’être l’auteur d’un tract appelant à l’insurrection populaire, le juge Mohamed SOULEIMAN CHEIK MOUSSA a été jeté en prison comme un vulgaire délinquant, pour un mobile qui reste tout aussi fallacieux qu’inexpliqué. Cette méthode digne de la Gestapo rappelle la condamnation par contumace du président du MRD, Daf, jugé d’avoir comploter contre le pays avec l’ennemi érythréen.
En 1991, l’entrée en scène du Frud dans le jeu politique a peu ou prou modifié la donne politique nationale. Le discours de Mitterrand à la Baule en 1990 annonce la fin du parti unique et son autoritarisme politique. En 1994, pour la première de son histoire Djibouti se dote d’une Constitution sous la férule de l’aile armée du Frud. En 2001, le gouvernement central djiboutien paraphe avec Ahmad Dini, paix à son âme, un accord mettant fin à l’escalade militaire mais dont les termes ne seront jamais respectés par la partie gouvernementale, en l’occurrence IOG.
Toutes les élections (législative, présidentielle…) qui se sont déroulées jusqu’à aujourd’hui ont été entachées des fraudes massives. J’ai été témoin personnellement du bourrage des urnes. Puisqu’il n’y a jamais eu de culture démocratique, ni d’incitation ou d’encouragement dans ce sens de la part de l’ancienne puissance coloniale, les tenants du pouvoirs depuis l’indépendance ont, pour ainsi dire, développé une technique de prédation politique qui élimine de facto toute forme d’opposition susceptible de nuire à leurs intérêts politiques, et donc financiers, le but étant d’arriver au pouvoir pour s’enrichir le plus rapidement possible. C’est la voie royale à tout enrichissement sans cause auquel tous les dictateurs ont eu recours. Le siège de député ou de ministre se monnaye dans une logique alimentaire et de clientélisme politique. Ces « emplois » apportent aux heureux « élus » une garantie financière intéressante. Celui qui aura marqué de son empreinte son ministère de tutelle n’est pas celui qui aura apporté une valeur ajoutée aux domaines de son champ professionnel, mais celui qui aura eu le bras le plus long en réalisant l’opération de détournement de fonds la plus spectaculaire par rapport aux autres membres du gouvernement. La notoriété du ministre se mesure à l’aune de ses hold-up financiers et des coups répétitifs portés aux caisses de l’Etat (réf. l’ancien ministre de la santé, Abdillah Miguil pour avoir saigné à blanc le budget de la santé et les aides internationales était le chouchou du président de la République, sans doute était-il admiratif des actes « héroïques » de son poulain). Aussi, un ministre gagne en notoriété lorsqu’il aura placé dans son fief le plus grand nombre de sa famille proche, et les membres de sa tribu dans la fonction publique en général. Plus un ministre vole, assène des coups, plus il remonte en estime auprès du chef de l’Etat. C’est un milieu qui marche sur la tête faisant fi de toutes les lois de la République.
Dans une démocratie, de tels agissements auraient été lourdement sanctionnés tant sur le plan civil que pénal. A partir du moment où vous avez à la tête de l’Etat un personnage politique dont les attributs du pouvoir démocratique ne sont réunis que dans le seul titre de la fonction présidentielle, le président de la République, mais dont les comportements sont aux antipodes des pratiques démocratiques, le régime djiboutien ne peut pas être qualifié de régime démocratique mais d’une dictature. C’est un constat évident !
Le mérite de l’alternance politique s’apprécie dans le rejet de toute forme de pratiques antidémocratiques. La tentation de l’assertion « c’est moi ou le chaos » qui a été le leitmotiv de IOG et de ses partisans lors de l’élection présidentielle de 2011 que l’opposition a encore une fois boycotté ou encore le caractère indispensable et irremplaçable de la personne de IOG se nourrissent essentiellement de l’attitude à fort relent tribaliste du régime et explique en partie le refus de toute alternance politique.
Ainsi, dans des telles conditions d’exercice du pouvoir conjuguées avec la mauvaise foi politique du régime, usant des manœuvres et des subterfuges pour se maintenir au pouvoir, il n’y aura jamais d’alternance politique à Djibouti. L’opposition doit donc prendre conscience de cette réalité si elle veut être associée aux décisions de l’Etat et espérer concourir activement à l’avènement d’une véritable démocratie.
En fin de compte, s’il y’a une leçon à tirer de la réussite des démocraties occidentales, turque, malaisienne, et même chinoise sur le plan économique, et sur lesquelles se calque actuellement le printemps arabe, c’est celle de la dimension importante que revêt l’alternance politique entre la majorité et l’opposition qui se disputent le pouvoir dans un état d’esprit sain, loyal et dans le respect total des lois de la République. L’existence de l’alternance politique est indispensable à l’évolution des idées et aux progrès social et économique d’un pays. Qu’on se le dise une bonne fois pour toute : sans alternance politique, point de démocratie !
Ainsi, on arrive à la conclusion définitive que l’alternance politique n’existant pas dans les mœurs politiques djiboutiennes, la République de Djibouti n’est pas une démocratie, mais une dictature abjecte, maudite et vomie par sa population.
Par un compatriote Djiboutien sous le pseudo : Yanna Culba
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